2EME BIVOUAC DE MAI 2012 (26-28 mai)
Ce nouveau bivouac a constitué une entrée de plein pied au cœur de la raison d‘être des Sentiers du Bivouac. Sans doute le petit nombre de participants (nombreux désistements suite à de nouvelles prévisions météo humides) a-t-il créé les conditions propices à une proximité complice et spontanée, qui s’est avérée féconde.
Tout s’est mis en place avec simplicité et fluidité dès le départ, et à peine arrivés sur le lieu une joie douce et sereine a enveloppé nos activités. Après le petit rituel habituel d’entrée en matière sur les lieux nous sommes partis, profitant du soleil qui n’était pas prévu, pour une après-midi de rivière, de baignade et de bains d’argile mémorables.
S’enduire le corps d’argile est un moment de bonheur délicieux et aussi une manière de retrouver notre enfant intérieur avec un parfum d’innocence joyeuse, sans fard, on se lâche avec confiance tout en offrant au corps une sensation de plénitude et de communion sensorielle de la tête aux pieds.
Les baignades, également, offrent l’occasion privilégiée de vivre pleinement l’instant présent en s’offrant aux éléments. La puissance régénérante d’une rivière de montagne comme le Vanson provoque un doux vertige, et présente des passerelles exceptionnelles avec le monde des esprits de l’eau.
La plus grande joie, pour ce qui me concerne, nous attendait au retour. Pour la première fois cette année les conditions se réunissaient pour aller visiter le temple de plein air, véritable sanctuaire de pierre tapissé de mousse, surplombant la rivière et caché aux regards depuis peut-être des décennies. Ici tout vibre, palpite, particulièrement à l’heure déclinante de la fin de journée où le soleil inonde les gorges. Le petit oppidum s’illumine alors, frémissant de présences subtiles, et sans véritablement nous concerter, d’instinct, nous pénétrons dans l’enceinte pour célébrer dans la plus grande simplicité un office panthéïste. Chacun notre tour nous nous succédons près de l’autel (un rocher affleurant à la surface), sur lequel est disposée une pierre très particulière et vibrante que nous accueillons dans nos mains comme un talisman de communion avec le monde de Faërie. L’effet est rare, puissant, immédiat et nous environne tous les quatre d’une harmonie dense, grisante. Une brise sacrée semble se lever et nous nous étreignons tous les quatre, un peu émerveillés, abandonnés à la magie de l’instant, soumis à un feu velouté qui semble monter de la terre jusqu’au ciel.
Le soir, un autre feu se dresse vers le ciel. C’est la veillée, au camp, et après le dîner nous nous préparons à célébrer le grand rituel chaman des tambours. La nuit étend ses ombres et les premiers coups retentissent. Rapidement, je sens que les énergies vont se manifester. Chacun joue le jeu pleinement, se lance, chante, scande, oscille au rythme du tambour. Pour ce qui me concerne, tout semble basculer pour ce qui va devenir une authentique cérémonie de communion et de communication « chamanique ». Les mots s’articulent, très clairement, impulsés par une force de plus en plus présente. Bientôt ma voix ne s’élève que pour donner satisfaction à une volonté invisible et je me laisse emporter par un tourbillon de force impérieuse, noble et sauvage à la fois, qui m’emporte dans une chevauchée exaltée qui ne m’appartient plus tout à fait. La transe est plutôt douce, familière, et il me semble entendre et percevoir l’écho d’alliances lointaines, une fraternité invisible qui me revient de par les âges dans un panache d‘ombres et de lumière.
La journée du lendemain est consacrée à la sweat-lodge, ou hutte de sudation.
Moment privilégié, attendu par tous.
La vapeur s’élève et envahit la hutte, pénètre notre corps. Cela brûle et en même temps cela laisse une sensation profondément bienfaisante. Nous sommes dans un creuset fertile pour accoucher quelque chose de nous-mêmes et l’occasion est forte, à la limite de nos résistances physiques, de lâcher prise enfin et d’accéder à l’intimité du dépouillement total, dans l’abandon, la confiance et la quête de silence.
Nous terminons avec délice par un plongeon dans la rivière, dans la joie et la volupté des flux éthériques de la rivière qui lavent, régénèrent et magnétisent.
Puis la pluie arrive et nous nous réfugions dans la tente. L’ambiance est joyeuse, nous nous sentons une âme d’adolescents et en nous glissant dans nos duvets, bien au chaud, il ne manque qu’un jeu de cartes ! C’est douillet et presque incongru mais nous nous en accommodons volontiers. Puis finalement c’est le repos, la sieste imprévue, le farniente providentiel qui nous voit plonger dans une douce torpeur pour un sommeil bienvenu. Le genre de repos qu’on ne s’accorde que trop rarement.
Le soir, un nouveau moment de magie nous attends de manière improvisée dans la tente. Un chant, lancé dans le silence de la nuit, suspend le temps. Bajhans hindous, chants amérindiens, bulgares et chants sacrés issus de langues pré-diluviennes s’invitent à la suite pour occuper l’espace. Tout se déroule spontanément, simplement, dans la pureté de l’écoute du cœur.
Le lendemain le soleil brille de nouveau et la première activité consiste à nous exposer aux rayons du soleil. Nous adoptons ensemble une gestuelle d’imprégnation, quelques grands gestes amples visant à nous accorder aux flux ascendants et descendants du royaume de la nature vivante en éveillant tout en douceur les centres subtils de notre corps. Nous exposons avec délice notre dos pour sentir l’action pénétrante des rayons sur nos chakras.
La dernière après-midi est consacrée à la descente des gorges et nous parvenons à la grande chute d’eau mais pas plus loin. Le courant nous interdit l’accès aux basses gorges, profondes, mais de toutes les façons le dernier temps fort est déjà là : nous décidons de nous peindre le corps avec nos ocres.
Pour les peuples premiers se peindre le corps est un moyen de s’identifier pleinement aux puissances de la nature et de se fondre avec ses forces visibles et invisibles. Le corps devient talisman, temple vivant et célébration de la force de vie et semble réintégrer un état vibratoire originel, permettant de retrouver des forces vives enfouies ou oubliées par des générations coupées de la source sous des couches de vernis dit « civilisé ».
Nous sommes absorbés, pénétrés par notre activité, un peu fascinés aussi. Après une demi-heure industrieuse et appliquée, je découvre avec joie les parures naturelles de mes compagnons. Chacune a sa personnalité et transmet une couleur et une vibration particulière. Le résultat est vraiment magnifique. Le corps, peint de la sorte, exprime un langage qui donne tout son sens à l’art tel qu’il dû s’ébaucher autrefois pour nos lointains ancêtres. Nos corps me font penser aux peintures pariétales et à leur vocation magique, chamanique. Seul le temps nous manque alors pour aller plus loin et prolonger l’expérience.
Merci encore à mes compagnons.
Ce fut un bivouac vraiment privilégié, tout en douceur. Simple, fraternel, vivant, qui nous a permis de vivre et d'appliquer par moments ce que les bivouacs peuvent nous offrir de meilleur, dans la receptivité, l'ouverture du coeur et la disponibilité à l'égard des énergies environnantes aux accents chamaniques.
Le bien-être a été cette fois-ci à l'honneur plus que d'habitude, avec notamment du massage-détente, mais surtout le soleil enfin présent (malgré les prévisions pessimistes) nous a permis de bénéficier des meilleures conditions afin de nous imprégner des flux éthériques puissants répandus dans la nature, synonymes de relachement, d'apaisement et de ressourcement profond pour le corps et l'esprit.
C'est là toute la raison d'être des Sentiers du Bivouac...