UN ÉTÉ 2015...2) RETOUR AUX SENTIERS DU BIVOUAC : AOÛT !
Le Bivouac suivant fut d'un tout autre registre...
Nouvelle aventure pour ce qui me concerne, avec un groupe constitué de 10 femmes, sans aucun autre homme que l'animateur. Les 4 hommes qui auraient pu faire partie du bivouac ont tous du annuler pour des raisons diverses !
Bien que me sentant particulièrement à l'aise avec les femmes en règle générale, j'avoue que cette perspective m'a impressionné.
Cependant - j'allais vite le comprendre - ce bivouac féminin allait créer son propre espace, un espace précieux d'offrande, de mise à nu, de libre expression qui sans doute avait besoin d'une intimité entre femmes - que j'aurais accompagné de mon mieux pendant ces 4 jours ! Privilège rare certes, mais aussi implication personnelle en tant qu'homme et acteur natcham pour accompagner cette alchimie que nous aurons créé tous ensemble.
Après la première journée d'harmonisation avec l'énergie du lieu, le ton a été très vite donné. Le moment des danses au son du tambour chamanique a permis assez spontanément de libérer les énergies et de lancer le bivouac en puissance...Avec une tonalité assez catharsique voire un peu thérapeutique !
La danse engage l'être tout entier face à lui-même, aux autres et à la nature. Cet acte de lâcher-prise a quelque chose de vertigineux, comme un grand saut dans le vide pour s'offrir un dépassement de soi profondément gratifiant. Nulle obligation de résultat ici, il s'agit juste d'être soi-même et de s'accorder ce privilège unique d'exister et de rayonner la simplicité de l'être profond qui vit en nous. C'est grisant, voluptueux aussi. On danse pour le soleil, le ciel, la forêt et la rivière. La danse nous porte et accouche d'une part enfouie de nous-même. Je suis toujours surpris de tout ce qui affleure, émotions, instincts fluides, sauvages et heureux, et de la lumière qui accompagne chaque visage dans ce voyage. Je lis fugitivement l'ivresse de liberté qui nous traverse, et tout un monde de force, de libération et de beauté qui s'annonce. Ça brasse aussi, une lame de fond s'invite qui ne laisse pas tout à fait indemne. Nous nageons dans un feu puissant - le feu du ciel et de la terre - d'une intensité surprenante, mais quelle joie aussi et quel plaisir de s'abandonner en toute confiance dans un environnement protégé...
Le bivouac est ainsi lancé sur des bases à la hauteur de l'enjeu. Chacune de ces femmes avec son histoire, sa richesse, sa beauté, apporte sa matière dans l'athanor du stage avec une certaine ferveur. Je suis touché, voire ébloui par instants par la détermination et l'ouverture de chacune. Rien n'est évident ici loin du confort et des points de repères habituels, et pourtant c'est quasiment sans aucune hésitation que chacune répond à mes invitations. Le bain matinal dans la rivière avec une eau très fraîche au petit matin, par exemple, fut un défi relevé haut la main par l'ensemble du groupe, et ce fut une vraie joie pour moi de voir ces femmes audacieuses plonger dans l'onde et bénéficier de toute l'énergie de la rivière, lançant la journée sur des bases intenses en se réchauffant auprès d'un bon feu de bois crépitant...
Ce n'est pas un bivouac naturiste et néanmoins la nudité s'invite par moment spontanément, en accord simple avec la loi de la nature qui nous berce et nous enveloppe. Tout semble offert, ouvert, libre pour un relâchement salutaire où le seul challenge est de profiter de tout avec la rivière pour marraine bienveillante, omniprésente.
Nous plongeons avec délice dans l'onde qui se réchauffe d'heure en heure, pour un ballet innocent et joyeux.
De jour en jour les liens se créent et chacun offre le meilleur de soi, au coeur d'un creuset humain authentique qui entre en résonance harmonique avec la nature...
Dans ces conditions, il était évident que la journée dédiée à la rencontre avec la "Chambre de la Fée" s'annonçait sous les meilleurs auspices...
Pour moi, la meilleure manière d'approcher les lieux habités par les puissances éthériques et invisibles de la nature (les "esprits de la nature", si on veut), c'est de marcher dans le silence dans une attitude de receptivité et d'ouverture du coeur. En laissant le mental de côté. De mon côté en passant en avant devant le groupe, j'essaie de mon mieux d'attirer mes alliés invisibles dans une prière constante et ardente. Ça ne fonctionne pas toujours systématiquement - quoique cela contribue à hausser le taux vibratoire de toutes les façons - mais avec un tel groupe je ne doutais guère de la réaction des esprits de ce canyon, qui se manifestent souvent de manière flagrante.
Premier miracle - mais vraiment ! - un poisson nous accueille, avec 5 cm de fond ! long de 10 cm, ce n'est pas un alevin mais un vrai jeune poisson dont je me demande encore comment il a fait pour survivre et croître dans un si petit ruisseau. Certes, il y a quelque belles vasques plus loin, mais ici il se trouve très éloigné de la plus proche. C'est la première fois que je vois un poisson ici...Miracle et signal de bienvenue donc !
Plus nous avançons, et plus je ressens un bourdonnement interne qui ne trompe pas. Je connais bien cette sensation, signe manifeste que les présences autour de nous s'intensifient. Par moments je m'arrête un peu, ayant pris de l'avance sur le groupe, et je ferme les yeux pour savourer le feu invisible qui me gagne. Je nous sens entourés, environnés, adombrés. J'attends le groupe et nous nous réunissons devant une des vasques qui marque une des "entrées"de ce parcours magique. Placés en demi cercle nous tendons tous les bras en avant et le résultat est instantané : tel un courant d'air magnétique, l'énergie des esprits de l'eau me parcourt de part en part de manière spectaculaire...j'en ai des frissons.
L'arrivée à la "Chambre de la Fée" est un peu solennelle. Dans ce sanctuaire sacré des esprits de l'eau, nous nous succédons un à un pour nous placer sous la petite cascade en forme de tobogan, qui nous éclabousse dans un éclat de lumière d'eau chargé de force et de vitalité régénérants. Les moments intimes qui ont succédé, cercle humain faisant résoner le mantra de l'eau en résonance avec cette "chambre de verre" éthérique que n'aurait pas renié Merlin l'enchanteur, le chant sacré qui s'élève dans le canyon, ont peu d'équivalent. C'est aussi un privilège de vivre de tels moments avec des êtres sensibles, réactifs, subtils et capables d'une telle ouverture. Je sais que les esprits ont noté notre passage, c'est une joie immense pour moi et je tiens à remercier ici le merveilleux groupe de femmes qui a rendu ce moment possible...
Le retour par la montagne est un enchantement, une randonnée douce au milieu de la forêt inspirante et carressante...
Le retour au camp est aussi l'occasion de se découvrir, d'échanger, de rire, de prendre le temps...
Une averse inattendue nous offre un magnifique arc-en-ciel...
Autre moment précieux, le voyage chamanique au son du tambour...Voyage avec pour ambition de "contacter la part de nous-même qui n'a jamais souffert".
...La petite touche d'argile, sans laquelle un Sentier du Bivouac ne serait pas un Sentier du Bivouac...
Je ne chercherai pas à détailler toutes les tranches de vie qui se sont succédées, secrets échangés au coin de feu, mélopées accompagnées par le tambour, veillée natchame sous les étoiles - avec danses en cercle effrénées dignes d'un cérémoniel du néolithique -, cercles de parole, les repas aussi...
...tout un panel d'instants délectables pour croquer la vie à pleines dents !
Un évènement nous a aussi marqués dès le 2ème jour. Une jeune membre du groupe - 26 ans -, qui venait d'amorcer très récemment une immense prise de conscience dans sa vie personnelle en remettant en cause le modèle qui lui a été inculqué par son éducation et sa vie professionnelle, est venue au bivouac dans une démarche - vraiment audacieuse ! - pour vivre autre chose.
Cependant au 2ème jour, l'intensité était telle qu'elle a eu besoin de nous quitter pour digérer le vécu du bivouac - parti il est vrai sur les chapeaux de roue ! Cela montre aussi à quel point cette fréquence du mode de vie natcham - immersion totale dans la nature, loin de tout - est aussi interpellante et agissante.
Nous espérons surtout qu'elle va pouvoir continuer cette belle démarche et qui sait dans le futur nous rejoindre pour un stage complet ! Son nom de bivouac, Sora : petit oiseau chantant qui prend son envol, est tout un programme...
Merci d'ailleurs à Panthère Rouge, Liane sauvage, Fennec Bleu, Lune d'Argent, Lioubia, Thor, Fleur de Carotte Sauvage, Souffle du Vent, Sora donc et Stella Vesta pour ces noms de bivouac inspirants...
Le bivouac avançant dans le temps, je me prends à rêver par moments. Ce groupe humain si riche, avec ses forces, ses faiblesses et sa beauté est une offrande à la nature. Ceci n'est d'ailleurs, vraiment, qu'un avant-goût. La journée dans le canyon, où j'ai eu la sensation de baigner dans une ouate subtile pendant plusieurs heures, résonne encore en moi et la puissance de ces accords invisibles qui scellent entre la nature et nous une complicité viscérale, instinctive, organique presque donne toute la mesure de notre responsabilité ici. Je nous sent même d'une certaine manière observés, associés au vaste culte qui officie jour et nuit dans ce lieu.
La dernière séance de gymnastique harmonique est envoûtante, pleine de feu et de vie, tellement solaire...
Pourtant, nous n'irons pas au Temple cette fois-ci, très paradoxalement. Bien que ce groupe soit particulièrement remarquable le travail qui opère demande encore du temps. En réalité ce qui émerge pour moi, c'est qu'il s'agit peut-être d'une étape et qu'il y aurait encore tant à vivre tous ensemble...4 jours c'est parfait pour une prise de contact mais avec ce groupe un autre bivouac, une sorte de niveau II, pourrait s'avérer utile plus tard pour prolonger notre aventure. Un besoin très fort aussi d'aller plus loin, de partager encore davantage pourquoi pas mes techniques de connexions personnelles remonte à l'occasion du cercle de cloture.
Ce bivouac restera mémorable à plus d'un titre...Voici encore un encouragement à continuer d'organiser de tels évènements pour honorer la nature, en créant ces tribus éphémères mais ô combien éloquentes...Besoin de chaleur, d'échanges vrais et profonds, de partage mais aussi d'évasion, de rêves actifs et créateurs pour s'affranchir au moins le temps de quelques jours de la maya du monde contemporain pour retrouver nos racines, si proches et si lointaines...C'est tout l'enjeu des Sentiers du Bivouac et j'espère toujours, chaque année au moment de préparer le planning de la saison suivante, qu'il y aura des êtres préparés, motivés et conscients pour continuer, approfondir et intensifier cette merveilleuse et singulière aventure au Royaume de la nature vivante, dans ce contexte si privilégié et providentiel qui nous est offert sous le ciel des Alpes de Haute provence...
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...Et un grand merci à toutes mes Bivouac-ladies !