Dans le sanctuaire
À l’origine des Sentiers du Bivouac, il y a le lieu. Une forêt domaniale, à l’écart d’un peu tout. Pas de tourisme, pas d’habitations. Seulement deux anciens villages ruinés, datant de plusieurs siècles. Que des ruines de pierres avec leur beauté, leur nostalgie, la trace d’une ancienne civilisation disparue. Tout autour, la nature a repris ses droits.
Une rivière a creusé un vallon, puis des gorges. Tout autour s’articulent des collines, des falaises, des bois accrochés aux pitons rocheux. Des canyons nous rejoignent, et nous gagnons en remontant les vasques et le lit rocheux la vallée qui moutonne au pied de la montagne. Des prés, des bois encore, quelques rares chemins et sentiers.
Quelquefois, des hommes viennent. C’est nous, petits groupes d’un genre nouveau - les "Natchams" - qui perpétuent la présence humaine en ces lieux. En partage du lieu avec chevreuils, blaireaux, aigles, renards et chamois. Peut-être sommes-nous les premiers, depuis des siècles, à fouler certains sentiers.
Car ici, le temps semble suspendu. Il y a dans l’air comme un écho murmurant, une paix, un silence en attente qui nous environne. Ces lieux ont en mémoire un pouvoir lointain, secret.
Il y eut un Autrefois fécond ici, chargé de mystères. Des hommes rudes et fiers, qui s’accrochaient avec passion à leur terre, dépositaires de fragments de la science enfouie dans la nuit des temps et druides en sabot arpentant cette terre immémoriale.
J’ai retrouvé un de leurs temples dérobé aux regards, en plein air. Un cercle de pierres assemblées en forme de fer à cheval, recouvert aujourd’hui d’une épaisseur de mousse séculaire. Aucun objet et aucune fonctionnalité apparente. Si ce n’est de saisir le visiteur dans un recueillement qui évoque le sacré.
Lorsque je pénètre dans le domaine, dès les premiers pas, tout mon être est en éveil.
Cette nature forme un tout ici, tout communique et aujourd’hui encore je tâtonne avec jubilation quand j’effleure certaines correspondances intimes surprises au détour d’une chambre aquatique, d’un ruisseau, d’un rocher. Tout me parle soudain avec une force vive et pénétrante. Héritier peut-être du temps où les hommes parlaient aux esprits de la nature je frémis, vibre et communie avec les passerelles invisibles qui m’entourent, dans ce temple de la nature qui s’étale sur des kilomètres à la ronde.
Je marche dans la rivière avec exaltation. Je me sens observé, entouré. Je ressens un bien-être profond, envoûtant, comme si j’arrivais enfin en vue du rivage tant attendu.
Il y a tant à vivre ici. Du rire, de la joie, des danses. Des silences habités. Des ciels étoilés dans la clameur muette de la nuit. Des feux de camps qui étirent les ombres et appellent aux mystères.
Les plaisirs les plus simples deviennent rituels magiques : aller chercher l’eau à la source, collecter le bois mort, préparer la soupe du soir, se blottir au fond de son sac de couchage à la lueur de la lampe-bateau pour écouter la nuit et le hibou qui officie au loin.
Pour ce qui me concerne, les plaisirs les plus intenses sont ici, loin des hommes et de leur univers de béton. Ici se créé chaque jour, à travers les saisons, un monde qui n’a pas besoin de nous. Tous ces trésors cachés, les plantes, les fleurs, les éclats de l’eau scintillante, la grâce magique des rayons solaires, le ciel majestueux, se laissent approcher néanmoins, pourvu qu’on ait le cœur ouvert et l’esprit alerte. Tout est à notre disposition.
Ce lieu que la vie m’offre est aussi à la disposition de ceux qui souhaitent tenter l’aventure. Un havre d’eau et de verdure, ouvert sur un espace de vie pure et simple, pour quelques jours de partage, de bonheur et de découverte au cœur des Alpes de Haute Provence.