Bivouac Natcham - Août 2017
Au coeur du mois d'août s'est tenu le bivouac Natcham, point d'orgue d'une saison riche en tous points. Celle-ci clôt un cycle de 7 années de Sentiers du Bivouac (en 21 bivouacs officiels) qui me permet de mesurer le chemin parcouru avec une certaine reconnaissance, et une part d'émerveillement.
En effet, le conseil invisible des bois et forêts semble observer nos progrès avec bienveillance et les encouragements sont encore venus de toutes parts cette année pour soutenir et stimuler cette entreprise un peu folle et totalement exaltante : créer une tribu de personnes goûtant au nectar indicible d'une véritable connexion à la nature, en immersion totale, amoureuse et audacieuse, sans écrans, sans artifices, sans masques, dans la réalité de notre humanité en résonance envoûtante avec les mystères du sanctuaire qui nous accueille.
J'en profite donc pour remercier ici tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à cette aventure par leur présence, leur enthousiasme, leur amour de la nature et j'honore aussi l'intuition qui les amené jusqu'à nos Sentiers en toute confiance...Car il fallait oser franchir le pas et dépasser ses zones de confort, afin d'activer les zones magiques qui les attendaient !
Voici donc le Bivouac "Natcham" enfin, 6 jours à vivre, douze êtres humains réunis au coeur de la nature pour le meilleur...
Les conditions météo favorables ont accueilli ma tribu dans la douceur d'un midi d'été, chaud et velouté à la fois par la grâce des ramures du bois de chênes qui nous accueille.
L'échange de nos noms totémiques prépare le terrain. Ce groupe s'avère dense, complexe, riche, sans doute pas de tout repos mais c'est aussi ce que j'aime : de l'intensité, de l'authenticité, de la profondeur, nous allons façonner tous ensemble une oeuvre d'art collective, une offrande à adresser aux dieux invisibles déposant nos différences, nos multiples couleurs et appartenances sur l'autel d'un temple de feu, d'eau, de ciel et d'ivresse de forêt.
Je laisse les alliés invisibles faire le travail : la rivière, maîtresse absolue des lieux, nous accueille dans ses bras pour laver, évacuer, faire monter en fréquence un groupe réellement avide de vivre pleinement l'expérience en laissant toutes les pesanteurs de la vie moderne derrière lui.
Mon programme est si simple, il s'agit juste de s'abreuver, de se nourrir, de se remplir et de profiter à profusion de tous les envoûtements simples du lieu qui dissimulent une réalité foisonnante, agissante : le soleil, le vent, les rochers et la rivière regorgent de miracles qui nous tendent les bras, saisissons-les !
La vie du groupe et du campement prennent une grande importance. Simplicité, ouverture, bienveillance constituent le ciment de l'aventure et c'est ici, dans cette vie rustique de dépouillement et de sobriété heureuse, que la réalité d'une immersion en pleine nature prend corps loin du superflu de la vie moderne.
C'est en réalité un grand bonheur de réapprendre un peu à vivre ensemble, abandonnés à l'essentiel autour des tâches de la vie courante qui nous rassemblent : le repas, le captage de l'eau à la source, la vaisselle, la collecte du bois et la préparation du feu...Gestes millénaires que nous réapprenons, loin du confort mais toujours plus proches de nous-mêmes...
Le nouveau campement nous a offert son couvert pendant les 6 jours, nous permettant de vivre en passant un épisode de pluie dans une douce effervescence, occasion de tester le potentiel de cocooning d'un bon abri sous les bâches et les frondaisons protectrices pour un voyage chamanique au tambour, des échanges paisibles et le repos d'une douce pluie magnétique...
Puis le soleil revient et nous reprenons notre rythme, avec le bain matinal qui lance la journée...
...Suivi éventuellement d'une séquence dynamisante
au tambour pour se réchauffer...
Un doux vent de folie semble souffler parfois. Une occasion de dépasser certaines limites contraignantes et superflues pour s'offrir en toute grâce aux élans de nos inspirations, happés par une impulsion corporelle libératrice qui nous aligne et nous rééquilibre sur le diapason de la nature au gré du vent, du tambour, des flots impétueux qui semblent nous inviter à la danse...Libération des énergies, évacuations des pesanteurs, fluidité retrouvée...
L'alchimie du groupe opère et permet, au fil des séquences qui s'égrènent en douceur, d'établir les premières passerelles...Tout un monde de lumière nous entoure, et n'attend plus que nous...Occasion aussi de se retrouver avec soi-même dans le silence, le recueillement et le frisson d'une reconnexion avec des espaces sacrés, vibrants, en résonance intime avec une part de nous-même qui ne demande qu'à s'éveiller...
À ce titre la rencontre avec un des lieux cruciaux de la forêt nous a amenés au coeur des vertiges et du mystère du contact avec la nature. Et au coeur de la démarche natchame...
Car au-delà du cadre visible de l'évolution de nos bivouacs (retour à la nature, rivière, campement, vie en tribu etc.) ce sanctuaire de plusieurs kilomètres carrés recèle ses trésors, ses palais, ses arches invisibles et les sentiers cachés pour lesquels j'ai créé les sentiers du bivouac.
Nous touchons au coeur du bivouac. Un escalier dérobé semble s'ouvrir dans le calme feutré de ce matin d'été et nous montons en silence, happés par la forêt de hêtres étagée sur la colline que nous gravissons en procession muette. Le groupe est parfaitement au diapason et prépare le miracle. Dès l'arrivée au coeur de ce bois extraordinaire, avec au centre un choeur de résineux entouré de feuillus bruissants unis comme une assemblée, l'air crépite et s'enflamme.
J'appelle ça un basculement. Je me sens soudain pris par un feu intérieur merveilleux qui abolit toutes mes résistances. Je brûle d'une ivresse fluide, fraîche, qui m'envahit et pénètre tout en moi. Difficile à retranscrire avec des mots : tout brille, tout vibre, j'accueille avec une candeur émerveillée la puissance qui entre en moi. Ça déborde, inonde tout sur son passage, ne laissant que joie pure, frémissements extatiques et vigueur surnaturelle qui semble exploser les limites de mes rivages intérieurs.
Et pourtant, je connais déjà. Par coeur. Comme un amant inlassable, je brûle de cette incandescence qui m'entoure et que je connais comme la caresse des esprits du lieu.
Nous sommes au coeur du bois sacré.
Communion sauvage et pourtant infiniment douce, subtile, que je souhaite partager de tout mon être avec mes compagnons.
Ce qui suivit n'est pas vraiment à raconter. Au-delà des mots ce fut une séquence inénarrable donc - chacun y mettra d'ailleurs ce qui correspond à son champ de perception - mais je pense que tous aurons en mémoire un moment magique, suspendu dans le temps, où la fréquence atteinte aura permis dans une large mesure de sentir et ressentir une ambiance hors du commun, propice à ouvrir ou entrouvrir une petite porte vers des royaumes insoupçonnés...Royaume de la nature vivante, Royaume des esprits de la nature, nature sauvage avec ses mystères, peu importe...
À l'affût du moment opportun, il y a toujours un moment où je sens que la grande veillée "chamanique" s'invite.
Au coeur de la nuit, sous les étoiles avec la rivière en soutien, nous célébrons un rite vieux comme le monde. Un feu, c'est une puissance. L'accueillir ainsi dans cet espace vierge plongé dans les ténèbres en compagnie du renard et du hibou, permet de ressentir de près cet autre miracle de la nature qui constitue en réalité une sorte de pont, un seuil vers l'invisible. Or ici dans cette nature sauvage tout semble exalté, et en mesure d'attirer les esprits les plus puissants. Il est de fait qu'à chaque veillée il y a presque toujours un moment crucial où je perçois en moi l'appel impérieux d'une force de vie créatrice qui prend forme et vie, presque à mon insu, pour mener sa vie propre et se ramifier en onde de forme de danse, de chant ou de prière sauvage. Comme un voyage intérieur, parfois un peu fou - mais toujours sous la protection d'ailes invisibles bienveillantes, accompagnantes, comme si un cercle d'anciens veillaient sur nous.
Former une tribu humaine est une aventure simple et gratifiante, pour autant qu'on puisse laisser au parking en tout début de séjour nos habitudes, nos préjugés, notre personnage social habituel et tout ce qui n'est pas utile pour l'harmonie et la co-création engendrée par le groupe...Exercice que chacun applique en grande partie, permettant de nourrir et pérenniser cette belle aventure. Merci à tous !
Un bivouac c'est aussi une tribu, ses joies, ses jeux, ses partages, ses complicités spontanées, ses visages...
Ce bivouac "Natcham" a constitué une étape, comme tous les autres bivouacs. Bien sûr, comme d'habitude, nous sommes loin d'avoir pu vivre tout ce qu'il y avait à vivre. 6 jours, c'est en réalité très court...Le lieu offre des possibilités infinies, variées, et nous offre encore aujourd'hui de nouvelles découvertes, de nouveaux espaces, à la mesure de l'ambition natchame d'embrasser la Nature sous toutes ses formes. La montagne, au loin, nous observe. Nous sommes une fois encore restés à ses pieds, l'entrevoyant juste l'espace d'une montée aux rochers pour un lever de soleil...
Aucun bivouac ne se ressemble et celui-ci aura constitué une expérience de nouveau originale, unique, singulière, avec ses alchimies secrètes, ses envoûtements bienfaisants et, en définitive, cet enrichissement subtil, cette abondance ressentie sur tous les plans...Le dernier jour constitue à cet égard un miroir étonnnant et je vois à chaque fois sur les visages, dans le groupe, à quel point l'expérience a été forte, fédératrice, chargée de sens. Les commentaires déposés par certains participants (ci-dessous) illustrent à merveille ce sentiment que nous partageons tous, à chaque fin de bivouac : la plénitude d'une expérience réussie...
Maintenant il me reste à faire encore un ou deux bivouacs d'ici la fin de l'automne pour remercier, clôturer, décanter, distiller toute la quintessence de cette nouvelle saison qui boucle le premier septénaire des Sentiers du Bivouac et du printemps natcham. Pour relancer la spirale sacrée, dans la perspective de l'année prochaine !