Le monde s’arrête, mais je sens la forêt respirer au loin...
Arbre, tu m’enseignes. Loin de moi, tu me parles. Tu me rassures.
Je sens à quel point tu es bien là-bas dans ton fief, heureux, te préparant déjà à l’émergence de tes premiers bourgeons.
Mon impatience humaine se dissout à l’écoute de tes murmures.
Bloqué dans ma maison de village au pied d’un massif
provençal je concentre, condense et distille tous mes élans, mes soifs d’étendues sauvages et j’attends, j’écoute.
À cet instant je vibre, je frémis, je ressens presque tout. Tu es entouré, sollicité de toutes parts, et c’est assez merveilleux.
Inutile d’énoncer ce que je vois, personne ne me croirait. Mais c’est pourtant réel, et dans la magie de ce petit matin des yeux innombrables témoignent de la remontée du feu, depuis les profondeurs souterraines hivernales. Les rayons du soleil rentrent en toi. Tu es l’athanor de la forêt. La flamme se distille en sève et la feuille se prépare, mais surtout tout un peuple sort de terre ou revient des nuées.
Le monde s’arrête, mais je sens la forêt respirer au loin.
Je suis tellement habitué à venir à toi presque sans effort chaque année que maintenant je mesure mon privilège à chaque fois de te retrouver : cette fois-ci je ne pourrai célébrer l’enivrante délivrance du printemps dans notre sanctuaire, comme chaque année… mais c’est peut-être curieusement un bienfait.
C’est comme avec les personnes qu’on aime, il faut parfois s’en éloigner un peu pour que le lien prenne une dimension inattendue… Cette absence est une alchimie et une préparation.
Rien n’est si grave...